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Scène neuvième, MÉLODIE

Quelques temps après l’accord silencieux passé à propos du mystérieux objet, François et Claire marchent doucement et pensivement le long d’un plage. Ils marquent un arrêt soudain lorsque, relevant la tête et laissant le brouillard de leurs  esprits se dissiper, ils se retrouvent devant un cours d’eau qui descend le long d’une abrupte montagne et ruisselle abondamment jusqu’à la mer. Bien que l’obstacle ne soit nullement infranchissable, tous deux se regardent puis adoptent un sourire presque fataliste.

François – J’ai toujours aimé les cours d’eau. Peu importent les noms que l’on leur trouve, ils passent insaisissables et toujours renouvelés et leurs véritables noms restent de tous inconnus.

Claire – N’est-ce pas triste de n’être connu de personne, de n’être qu’un flux anonyme, si égal et monotone en chaque instant ?

François, après un long silence à regarder devant lui – Il me souvient d’un air entêtant qui berçait le cours de mes jours. Ceux-ci se répétaient inlassablement tout comme les mots et les couplets, bien souvent muets. Chaque instant se substituait à son ancien sans amertume aucune et les brefs silences qui nous accueillaient de temps à autre étaient d’infinies plaines où résonnaient les douces paroles et les rires d’autrefois. Puis l’air cessa de vibrer et vint trouver sa fin dans nos souvenirs où il perdit sa substance au gré des hasards de nos discours. Enfin, un beau matin, hors des lacunes nocturnes, nous fîmes table rase et fûmes prêts à accueillir un nouveau chant en nos cœurs. Plus tard, lorsque le vieil ami nous parvint, chantant gaiement l’air qui fut le nôtre, nous ne pûmes l’accompagner et nous lui tournâmes le dos par peur de la fausse note. – il esquisse un sourire et se tourne vers Claire qui le regarde fixement – J’aime les rivières ; elles nous rappellent que rien ne nous quitte à jamais et que tout converge vers la mer qui, à son tour, devient océan, qui lui-même s’évade vers les cieux et rencontre quelque montagne qui l’invite à poursuivre sa course, et cætera.

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