Scène sixième, CONTES D’ANTAN
Plus tard le même jour, tandis que l’éclaircie matinale a laissé place à un ciel couvert et un fin crachin, Jeanne et Claire sont assises à une table assez massive. La mère explique à sa fille, manifestement peu intéressée, comment différencier les baies comestibles des baies toxiques. Quant à Sophie, elle se tient debout sur une chaise devant la fenêtre où elle vient de placer une bougie.
Jeanne – Sophie, veux-tu venir par ici ? C’est nous qui avons besoin de lumière, pas les oiseaux, ni même les rongeurs. De plus, tu vas finir par mouiller la mèche. – Sophie saisit la bougie et l’agite doucement devant la fenêtre – Et bien, que fais-tu ?
La jeune fille fait alors face à sa mère et l’on croit deviner sur son visage un léger sourire. À ce moment, on entend la porte s’ouvrir et se fermer dans la pièce voisine et quelques instants plus tard apparaît dans l’encadrement François, l’air hagard et les vêtements dégoulinant sur le plancher.
Jeanne, les yeux écarquillés et la voix chevrotante – Te voilà enfin ! Nous avons eu si peur ! Où étais-tu passé ? Allez, ne reste pas planté là, tu vas attraper froid.
Alors, il s’avance à petits pas peu assurés et Jeanne et Claire se précipitent vers lui pour l’aider à marcher et le débarrasser de ses vêtements ; si bien qu’au moment où il s’assied à la table, il ne lui reste que son pantalon en toile et une couverture que l’on vient de lui jeter sur les épaules. Jeanne est accroupie devant lui, les mains sur ses genoux et les deux filles sont derrière elle, légèrement en retrait.
François, levant ses yeux du sol vers le visage de sa compagne – Je… J’étais parti chercher du bois pour nous prémunir contre la tempête qui arrivait lorsqu’elle me tomba dessus sans prévenir. Je ne savais plus où aller, je ne savais plus que faire, alors je gravis la montagne comme pour m’élever au-dessus des nuages. Là, je me retrouvai devant une sorte de chapelle vétuste dans laquelle je trouvai un homme des plus étranges. Après en être venu aux mains, je le laissai gisant sur le sol et, m’étant assuré qu’il ne reprendrais pas connaissance, je m’assoupis à mon tour. Le lendemain, je le trouvai comme je l’avais laissé et partis chercher à manger. À mon retour, la chapelle était vide et inspectant les alentours, je reçus un violent coup sur la nuque. – Il marque une pause et laisse échapper un profond soupir – Lorsque je me réveillai, il faisait nuit noire, le sol était plus froid que les Enfers et j’y étais étendu de tout mon long au milieu d’une forêt qui m’était inconnue, incapable de me mouvoir et seul le cri d’une chouette pour m’assurer que je ne dormais pas. Plus tard, je me relevai puis errai dans l’obscurité tel un aveugle, essayant de trouver une sortie. Ensuite, la seule chose dont je me souvienne, c’est cette faible lueur dansant au loin.
Jeanne – Oh, François, j’ai eu si peur ! Mais tu es parmi les tiens maintenant, tu n’as plus rien à craindre.