Scène seconde, LA FAIM
La planche de bois qui faisait office de porte commence à bouger, semble reculer, puis se dérobe à notre vue vers l’intérieur. De l’obscurité de l’édifice sans fenêtre surgit François dont les yeux se plissent au contact de la lumière.
François, regardant par dessus son épaule – Pauvre bougre. Fallut-il que tu m’assailles de la sorte tandis que je ne faisais que chercher un abri pour la nuit ? Regarde-toi maintenant, tout ce que tu as gagné dans l’affaire c’est une belle plaie sur le crâne et mon manteau couvert de sang que je te laisse bien volontiers. Au moins tu ne vagabonderas plus nu dans cette nature hostile. D’ailleurs, il semblerait que le soleil veuille nous gratifier à nouveau de sa présence et on jurerait même que la neige fond à vue d’œil. Tâche de te remettre sur pieds pendant que je m’occupe de nous trouver de quoi manger. Ensuite, une discussion s’imposera.
N’attendant nulle réponse de l’homme toujours inanimé, François quitte l’encadrement de la porte et, après quelques instants d’observation, se dirige vers le sapin le plus proche. Il y grimpe sans trop de difficulté puis disparaît dans la canopée. Celle-ci danse comme si mue par le vent, mais on y devine le mouvement ascendant puis descendant de notre grimpeur. François ne tarde pas à réapparaître au pied de l’arbre, une branche entre les mains. Là, il va s’asseoir sur un rocher non loin et, à l’aide de son couteau, commence à dénuder la branche et à en tailler l’extrémité en pointe tout en fredonnant une mélodie envolée.
François, portant le harpon à hauteur de son regard – À nous deux, Mer ! Voyons ce que ta fertile fraîcheur me réserve aujourd’hui ; lesquels de tes enfants les plus téméraires s’aventureront parmi les récifs où ils rencontreront la mort venue du ciel, l’ombre aérienne dominant le monde du silence.
Ainsi, il se lève puis, comme pris d’une folie passagère, il se met à courir à toute allure dans ce qui n’est bientôt plus qu’un champ de boue parsemé de quelques îlots blancs qui nous rappellent qu’il y a peu, le froid mordait à pleines dents le cœur des enfants de l’astre solaire. Le cœur dorénavant léger, il brandit son nouvel instrument et dévale la montagne, arborant un large sourire enfantin tandis que la mer en contrebas lui irradie le visage de ses reflets dorés.